INDÉPENDANCE ÉCONOMIQUE : KABILA SUR LES TRACES DE LUMUMBA

Le nouveau code minier adopté au Parlement puis promulgué par le Chef de l’Etat passe, aux yeux de certains, pour une démarche banale qui rentrerait dans l’ordre des choses. Une lecture qui se justifierait par le fait que le précédent code était appelé à être révisé au terme de dix années d’application. Une révolution, tout de même, qui conduit le pays vers son indépendance économique… au prix de la vie pour Kabila qui s’y est risqué !

Cependant, le contexte de son entrée en vigueur et l’enjeu qu’il charrie donne à ce document un nouveau relief qui dit tout des conséquences qui sont censées en découler sur la vie même de la Nation congolaise. Point n’est besoin de rappeler ici le scandale que représente le potentiel minier congolais par rapport aux ambitions de prospérités que nourrit ce pays depuis son accession à l’indépendance. Depuis lors, pourtant, la RDC n’a cessé de projeter à l’humanité le contraste entre ces richesses potentielles et la pauvreté sans cesse grandissante de ses populations censées en tirer le meilleur profit pour leur bien-être.

Depuis toutes ces années, la justification courante était que les dirigeants successifs de pays brillaient par une mauvaise gestion de ce secteur qui ne profitait qu’à une poignée des Congolais, mais surtout aux exploitants étrangers. Il était pourtant dit, et il se dit toujours, qu’au-delà de l’indépendance politique arrachée au prix du sang des Congolais, le Congo se devait de conquérir son indépendance économique. Les décennies passées ont, en effet, démontré que le grand enjeu et toutes les convoitises étrangères sur le RDC tournaient autour du contrôle de son économie à travers ses ressources naturelles qui conféraient aux puissances étrangères les moyens de leur mainmise sur la RDC à travers leurs multinationales.

Aujourd’hui encore, une lecture attentive des conflits récurrents peut renseigner que ceux-ci sont essentiellement concentrés dans des zones de gisements miniers de l’Est où, foisonnent les minerais de la technologie de pointe hautement demandés par l’industrie occidentale. Si, aujourd’hui, les zones minières du grand Katanga paraissent échapper à ce mode sanglant d’exploitation minière, il faut noter que pendant longtemps, la parade, de ce côté-ci, se situait au niveau des lois ou, plus particulièrement, du code minier. Point n’est besoin de se faire un dessin que durant les 16 dernières années, pour ne prendre que cette période, le code minier, pourtant négocié avec le concours de la banque mondiale, aura largement profité aux multinationales pendant que les Congolais peinaient pour vivre de leurs propres ressources.

Il suffit, pour s’en convaincre, de se rappeler de toutes les manœuvres que ces multinationales ont multipliées pendant six ans pour retarder la révision du code minier conclu en 2002 et qui devait arriver à échéance dix ans plus tard, soit en 2012. Six années donc de tergiversations et de manœuvres dilatoires pour repousser l’échéance de l’instauration d’un code remanié qui rééquilibre les profits afin que les Congolais se retrouvent.

 

Réformes unanimement agréées

Et pour une des rares de fois, les Congolais ont vibré à l’unisson autour du nouveau Code minier adopté à la quasi-unanimité dans les deux chambres du Parlement avant sa promulgation par le Chef de l’Etat. Les Congolais sont témoins des pressions dont Joseph Kabila avait fait l’objet de la part des opérateurs miniers pour empêcher cette promulgation afin d’obtenir une relecture de la nouvelle loi minière. Ouvert, mais ferme, le Président de la République recevra, le 7 mars 2018 pendant plus de sept heures, les majors du secteur – 7 entreprises au total – pour les écouter et les rassurer tout en préservant les intérêts de la RDC.

Deux jours plus tard, soit le 9 mars 2018, le Chef de l’Etat promulguera la loi N° 18/001 modifiant et complétant la loi N° 007/2002 du 11 juillet 2002 portant code minier. Quant aux préoccupations des opérateurs miniers, elles devront être prises en compte dans le règlement minier qui doit porter application du code minier.

Mais alors que les travaux sur ce règlement venaient de s’ouvrir, les sept opérateurs miniers vont, d’abord, se retirer de la FEC qu’ils reprochent d’avoir mal défendu leurs intérêts, et, ensuite, bloquer littéralement les discussions en traçant une ligne rouge que ces tractations ne devraient pas franchir par rapport à leurs intérêts. Plus concrètement, et en ce moment d’embellies sur le marché international, ces miniers exigent du Gouvernement congolais la révision de certaines dispositions de la loi minière pour réduire les part s de profit qui reviennent à l’Etat congolais afin d’élargir à nouveau l’assiste de leurs bénéficies.

 

Pressions occidentales contre l’indépendance économique

Nous sommes ici au cœur de l’enjeu de l’indépendance économique de la RDC censée se traduire par sa montée en puissance et le renforcement de la prise en charge des besoins de ses populations pour réduire la dépendance de l’extérieur. Une dépendance qui a toujours conféré des pouvoirs particuliers à la main qui donne sur celle qui reçoit.

Le blocus que tente d’imposer les opérateurs miniers ne va pas sans d’autres formes de pressions tendant à faire fléchir la RDC pour obtenir les ajustements qui se traduiraient par un recul du pays de Lumumba par rapport à cette nouvelle avancée vers sa réelle autodétermination. Et l’on devrait s’attendre à pire encore lorsqu’on apprend qu’au second semestre de l’année en cours, la Gécamines entend revisiter les accords passés avec des compagnies minières opérant en RDC sur des concessions minières obtenues à vil prix.

Ces pressions, qui apparaissent autour du code minier, se traduisent par bien d’autres actes comme cette subite résurgence des tueries en Ituri seulement en cette période où un nouvel opérateur pétrolier est en passe de lancer ses activités dans le bloc 3 du Graben Albertine tant convoité. Curieusement, c’est à cette même période qu’une conférence des donateurs doit s’ouvrir à Genève sur la situation humanitaire en RDC, une situation largement surestimée en niveau de crise 3 qui insinue une crise généralisée en RDC avec pour risque de faire fuir de potentiels investisseurs qui se bousculent aux portillons.

 

Kabila en danger de mort ?

Toutes ces pressions mettent en scène un personnage qui, plus que jamais, aura franchi le rubicond que personne ne pensait le voir franchir avec toutes ces réformes aux allures d’un « nationalisme fiscal ». Joseph Kabila Kabange, puisque c’est de lui qu’il s’agit, aura le mérite de ce courage historique qui confère à la RDC les clés de son indépendance économique et lui ouvre un avenir décisif pour le bien-être de ses populations tant attendu. Avant lui, l’on retrouve un pionnier comme Patrice Emery Lumumba dont l’audace face aux puissances occidentales lui coûta la vie trop tôt. Passé Premier ministre après les élections de 1959, Lumumba, qui est reconnu comme pionnier de l’indépendance politique, se vit déstabiliser deux mois seulement après sa prise de fonctions avant de mourir quelque 6 mois plus tard dans les conditions les plus atroces.

Et même si son courage a connu l’assentiment unanime des Congolais, Joseph Kabila y survivra-t-il ?

Yvon RAMAZANI

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